Musée Labenche / Expositions / Chapelle Saint-Libéral

Lara Bloy : L'indécis au précis se joint.

Du 27/06/2023 au 01/10/2023

L'indécis au précis se joint est le titre de l'exposition de cette jeune artiste. Des peintures précises où les modèles posent, immobiles et gracieuses, sur de grands formats au coeur de la chapelle du 15e siècle, rue de Corrrèze.

Musée Labenche / Expositions
Ma pratique artistique interroge les rapports entre la mise en scène du corps et ses états intérieurs. J’observe ses actions  : ses moments de tensions, de relâchements, ses positions antalgiques, dans toute leur intensité, de la crispation extrême jusqu’à l’oubli le plus profond.

Je cherche à me confronter à la représentation de ce corps, habité ou au contraire vidé de sa substance, en révéler la peau, les muscles, les tendons, tout ce que disent les membres mis à nu, qui émergent d’un vêtement dont les méandres parlent de concert avec la chair.

J’aime extraire mes modèles de scènes d’apesanteur, de chutes, de théâtre et de danse, notamment butoh (danse japonaise pouvant se traduire littéralement par « frapper au sol » ), ainsi que des figures d’expression corporelle, héritées des années 1900 et de la libération du corps de la femme, avec des artistes telles Loïe Fuller ou Isadora Duncan et ses performances pieds nus et cheveux lâchés, dont l’expression naturelle du corps libéré vise à transmettre les états de l’âme.

J’explore particulièrement les situations de flottement, au sens propre comme figuré, inspirées par des expériences vécues (escalade, descentes de canyons) et des considérations sur le monde actuel. Je suis notamment nourrie par la philosophie d’œuvres de science-fiction des années 1980 comme Ghost in the Shell , qui évoquent le vertige de l’humanité face au développement de la technologie et des corps cyber connectés et améliorés, dans lequel les personnages luttent avec une frustration existentielle : quelle est la part de l’humain (ghost), dans la coquille (shell) du corps ?

Ce langage du corps est l’amorce de la peinture.

De nombreuses toiles sont réalisées en huit clos dans l’atelier, depuis la prise de vue des modèles, en passant par le montage numérique, jusqu’à la réalisation. Il s’agit d’un point d’ancrage fort, lieu intime et personnel, dans lequel le modèle va entrer. C’est alors sa propre intimité qui est photographiée.
Je cherche dans les poses, via un travail de miroir et de sororité, une sorte de vérité, paradoxale, car mise en scène, avec des poses tantôt contraintes tantôt entièrement relâchées.

La poésie m’a en cela toujours fascinée, pour son pouvoir métaphorique. Certaines de mes photographies font sens, elles créent des correspondances propres à l’acte poétique  : dire une chose par une autre, évoquer, cacher, suggérer... Je recherche ainsi les parallèles entre la position des corps et les états psychologiques.

Cette variété d’états est un moyen de questionner les spécificités de la pensée humaine, notamment à l’ère du numérique. Mon approche de l’individu, dans son introspection, est souvent mélancolique, il semble se détacher du monde ou le subir de plein fouet.
Certaines toiles dégagent une sensualité, étrange et paradoxale car empreinte de tourments. Parfois, le corps dans son abandon, le visage occulté, devient presque un paysage, entre les creux et les élévations, les angles incisifs et les couleurs évocatrices.

Je puise également mes inspirations dans l’histoire de l’art, avec des œuvres emblématiques tel le Retable d’Issenheim de Matthias Grünewald, où la représentation de la Crucifixion, des mains et des pieds en particulier, évoquent une souffrance paroxystique. Ce terme désignant aussi bien le plus haut degré d’une sensation ou d’un sentiment que la période d’une maladie ou les symptômes sont les plus aigus. Je mets en scène, à la manière de l’acmé d’une pièce de théâtre, ce point de bascule où le corps et l’esprit portent la marque du trauma, et sont à leur paroxysmei: dans une tension extrême, puis en chute libre après ce point culminant.

Mes centres d’intérêts éclectiques m’ont amenés à considérer dans ma pratique la dualité entre image numérique retouchée, transformée, et corps réel : la chair, l’anatomie et le caractère artisanal de la peinture classique. En effet, à l’époque d’Internet, de l’image virtuelle et du metaverse, il y a une étrange poésie dans le mélange de l’image numérique d’apparence réaliste, bien que manipulée, et d’une technique résolument ancienne, avec son temps long, son existence physique et charnelle.

Lara BLOY

Chapelle Saint-Libéral, rue de Corrrèze, 19100 Brive
Entrée gratuite
Du 28 juin au 1er octobre 2023


 


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